Pour vaincre les casse-couilles, contournez-les !

Quand j’étais enfant, on me demandait tout le temps d’être gentille : dire bonjour à la dame qui sentait la naphtaline – quand ce n’était pas l’embrasser – prêter mes jouets à cette petite teigne qui me tirait les cheveux dès que la maîtresse avait le dos tourné, ne pas faire la gueule quand il fallait se promener plutôt que de regarder les dessins animés à la télé. Ensuite, il a fallu communiquer pacifiquement avec tous les imbéciles qui croisaient ma route, les incapables qui ne faisaient pas leur boulot, ceux qui me mettaient des peaux de banane sous les godasses, les patrons qui m’exploitaient… Et puis un jour j’ai compris que la douceur ne suffisait pas et qu’il fallait, de temps en temps, savoir taper du poing sur la table.

Le jour où un casse-couille a eu gain de cause

Comme ceux qui me suivent le savent déjà, avant d’être comédienne-auteure j’étais responsable de rayon dans un grand magasin. À ce titre, je devais gérer les réclamations des clients. Certaines étant clairement abusives, je n’échangeais ou ne remboursais pas n’importe quoi sous prétexte que « le client est roi ». Ledit client ne repartait donc pas toujours content, mais mes vendeuses appréciaient que je ne me couche pas servilement devant le premier emmerdeur venu. Et puis un jour, la directrice du magasin m’a demandé de rembourser un pull hors de prix qui avait gravement bouloché au lavage. J’ai tout de suite vu rouge :

– J’ai refusé de le rembourser car la cliente n’a pas respecté les consignes de lavage !

– Elle dit qu’elle a lavé le pull à la main.

– Elle ment, c’est évident.

– Vous avez sûrement raison, a soupiré ma directrice, mais elle a écrit au directeur général pour se plaindre et il nous a demandé de lui donner satisfaction.

– Mais c’est injuste. On ne va pas rembourser les gens juste parce qu’ils gueulent plus fort que les autres !

– C’est comme ça. Les DG sont tellement soucieux de leur image qu’ils donnent toujours raison à un client qui prend la peine de leur écrire. Ils sont trop contents de montrer leur pouvoir, vous comprenez ?

Sur ma vie de chef de rayon, lire mon roman : La rousse qui croyait au père Noël a 29 ans

Pas trop, non. Cette politique choquait mon sens de la justice et celui de mes vendeuses. Et puis, c’est nous qui passions pour des buses auprès de cette bluffeuse ! Convaincue ou pas, j’ai dû obtempérer. Néanmoins, j’ai gardé cette leçon dans un coin de ma tête et – bien que je sois une fille foncièrement non-violente – elle m’a permis par la suite d’obtenir gain de cause à plusieurs occasions…

Le jour où j’ai écrit au PDG italien de mon opérateur téléphonique

J’étais revenue à Paris depuis deux ans quand un démarcheur frappe à ma porte pour me proposer un abonnement téléphone + internet défiant toute concurrence. Étant (déjà) en galère financière, je m’empresse d’accepter. La mise en service devant être rapide, je n’hésite pas à résilier mon opérateur de l’époque. Sauf que les semaines passent et la nouvelle box n’arrive pas. Plus de téléphone fixe, plus d’internet. Il ne me reste que mon petit portable pour communiquer.

J’ai pourtant absolument besoin d’internet pour chercher du travail en intérim et des tournages. Les smartphones n’existent pas encore, les forfaits ne sont pas illimités aussi les communications avec le portable me coûtent-elles un bras… Au bout de plusieurs semaines supplémentaires à relancer sans succès le service client d’une incompétence crasse de cet opérateur, je pète les plombs. Je prends mon plus beau papier et j’écris – sans me faire néanmoins trop d’illusions – une lettre au PDG italien du groupe, en lui expliquant ma situation avec des trémolos dans les mots (je ne suis pas apprentie auteure pour rien). Pour faire bonne mesure, j’écris aussi au PDG français, en lui mettant la lettre à son supérieur en copie.

Résultat de l’opération :

  • Une semaine plus tard, un technicien m’appelle pour prendre rendez-vous en me parlant comme si j’étais la reine d’Angleterre ;
  • 48 heures après, il vient tout installer ;
  • Puis le service client m’appelle pour s’assurer que tout fonctionne et m’offre six mois d’abonnement gratuit pour me dédommager.

Le jour où j’ai fait plier Pôle emploi

Il y a dix ans, suite à une énième réforme de l’assurance chômage, je m’aperçois que mon indemnisation est très inférieure à ce que j’attendais. Or étant diplômée d’une école de commerce je sais compter, aussi cet écart me semble-t-il vraiment étrange. Je refais mes petits calculs et je comprends que Pôle emploi utilise le fonds d’indemnisation dont je relève (financé par l’État) d’une façon pas très catholique. Je fais une réclamation, deux, trois, dix à divers services de réclamation à Pôle emploi et à l’Unédic. On commence par essayer de m’enfumer, puis personne ne répond plus à mes mails.

WHAT THE F*CK ?!

Comme il y a des milliers d’euros en jeu et que je trouve ce calcul atrocement injuste, je cours consulter le Syndicat français des artistes-interprètes. Le type qui assure la permanence reconnaît que j’ai probablement raison : ce calcul, très défavorable aux artistes, paraît faux. Il me suggère alors d’écrire à la personne du Ministère de la Culture qui contrôle le fonds géré par l’Unédic.

Avant de m’adresser à cette importante personne, j’étudie le problème en détail et je comprends que le mode de calcul utilisé par Pôle emploi leur permet de faire des économies sur le dos de l’État. Ce que j’explique, documents à l’appui, dans la jolie lettre que j’envoie au monsieur responsable du fonds…

Résultat de l’opération :

Quelques jours plus tard, je reçois un beau courrier à l’en-tête du Ministère de la Culture. Le responsable du fonds m’indique que je « soulève une question pertinente » et qu’il vient de transmettre une note au Directeur Général de l’Unédic pour lui demander en gros (je traduis) :

C’EST QUOI CE BORDEL DE CALCUL ?!

L’important monsieur ajoute qu’il ne manquera pas de me tenir au courant de la réponse du DG de l’Unédic. Ce qu’il a fait.

Et dix jours plus tard, Pôle emploi m’envoyait le nouveau calcul de mes droits et me versait les 3000 euros carottés pendant les mois précédents.

Le jour où j’ai menacé mon agence immobilière

Je ne balancerai pas le nom et je ne suis d’ailleurs pas la seule à me plaindre des agences immobilières, parisiennes ou pas, mais j’ai depuis bientôt dix ans des problèmes récurrents avec mon agence : pas de régularisation des charges pendant des années malgré de nombreuses relances, difficultés permanentes à faire effectuer les réparations prévues dans le bail, etc. Il y a trois ans, j’ai dû menacer ma propriétaire – qui n’y était pour rien – d’une plainte pour que l’agence régularise les charges des 5 années précédentes. Je pensais que cette démonstration de force suffirait à les inciter à plus de professionnalisme, mais ça n’a pas été le cas.

Lire aussi : Ne vous faites plus arnaquer, mettez-vous à la plomberie !

Ma patience a atteint ses limites quand j’ai eu mon problème de plomberie au mois d’août (voir article ci-dessus). Je n’avais pas de nouvelles du remboursement de cette facture de 950 euros et j’ai demandé à l’agence de se renseigner. Pour d’obscures raisons, le locataire ne peut en effet contacter lui-même le syndic de son immeuble… N’ayant pas reçu de réponse à mes deux mails, j’ai repensé à mes histoires avec le PDG italien et le Ministère de la Culture et j’ai décidé de changer de ton.

J’ai donc écrit un mail à la personne gérant les locations de l’agence immobilière, avec copie à son directeur, en menaçant – entre autres, j’étais inspirée – de poursuivre le syndic en justice et de me plaindre à la direction de la franchise immobilière ainsi qu’aux sociétés de défense des consommateurs.

Résultat de l’opération :

Moins de trois heures plus tard, le gestionnaire me répondait qu’il avait relancé le syndic et les 950 euros étaient sur mon compte… le lendemain.

Méthode quand un casse-couille dans une entreprise ou une administration ne vous répond pas

Le problème avec la gentillesse et la patience, c’est qu’elles ne fonctionnent que si votre interlocuteur a envie de vous entendre. S’il fait la sourde oreille, vous pourrez relancer gentiment pendant des années sans qu’il bouge le petit doigt. Or quand on est une femme, on croit souvent naïvement qu’en communiquant avec les gens, en leur expliquant les choses, ils vont finir par comprendre qu’on a raison et qu’ils ont tort. Malheureusement, tout le monde ne fonctionne pas comme ça. Et parfois il faut montrer qu’on en a dans le caleçon pour obtenir gain de cause. C’est désolant, mais c’est comme ça.

Si vous avez un problème avec une entreprise ou une administration et que vos interlocuteurs sont clairement de mauvaise foi :

  1. Étudiez bien votre cas, rassemblez les pièces justifiant les démarches que vous avez effectuées jusque-là et les réponses obtenues ;
  2. Cherchez sur internet le nom d’une personne très haut placée dans la hiérarchie de l’entreprise ou de l’administration. N’hésitez pas à taper au niveau le plus haut : direction générale, présidence du groupe (même si elle se trouve hors de France) ;
  3. Menacez votre casse-couille d’écrire à son PDG, en mentionnant le nom. Parfois, ça suffira pour débloquer la situation. Si votre interlocuteur ne réagit pas, sans doute parce qu’il pense que vous bluffez :
  4. Écrivez une vraie lettre exprimant une demande claire et motivée au Big Boss, en joignant la copie des justificatifs que vous possédez. N’hésitez pas à jouer sur la corde sensible en expliquant à cette personne en quoi votre problème avec l’entreprise qu’elle dirige vous pourrit la vie ;
  5. Si vous pouvez démontrer que la personne qui vous fait du tort en fait aussi à son entreprise, vous avez plus de chances d’être entendu ;
  6. Envoyez votre lettre au siège de l’entreprise, en l’adressant au Big Boss. Si vous écrivez à un grand patron à l’étranger, vous pouvez écrire en français. C’est ce que j’ai fait pour mon PDG italien ;
  7. Si vous avez affaire à la filiale française d’un groupe étranger, écrivez au directeur français et au directeur du groupe, c’est mieux. Envoyez votre lettre principale au plus haut gradé et une copie à la personne moins haut placée en lui résumant brièvement votre démarche ;
  8. Laissez mariner quelques semaines…

Quand on trouve un arbre en travers de la route, on n’essaie pas de discuter avec lui pour qu’il s’écarte. En matière de communication, c’est pareil. Si vous trouvez un casse-couille en travers de votre chemin, ne gaspillez pas votre énergie à essayer de discuter avec lui, contournez-le.

Cet article a 2 commentaires

  1. Celine Safaure

    Je vais le faire .Merci

  2. Christian

    Je suis tombé sur cette page parce qu’un client me racontait sa vie et que j’ai tapé dans google « J’ai un casse couille a la boutique », je pensais que ça allait m’aider a surmonter mon envie de lui gueuler dans les oreilles  » Va faire chier ton assistance sociale ou ta progéniture, plutot que me péter les rouleaux ici !!!! ». J’avais vaguement envisager la violence dans un moment de désespoir mais bon y a pire comme emmerdeurs. J’avais donc pris l’air occupé et je me suis dis bétement que l’animal voyant mon dédain, tracerait sa route. Que nenni. Il s’accroche comme la guigne sur le gouvernement Macron. Au bout d’un moment il a quand meme tourner les talons. J’ai donc découvert avec joie que j’étais n’etais pas le seul dans ce monde a qui on voulait introduire un tas d’objet dans le fondement sans me demander mon avis au préalable. Et oui il faut se battre dans ce monde pour sortir la tete de l’eau. D’autant plus si on est une femme ce qui n’est pas mon cas. Mais je confirme dans ce monde politiquement correct fait de prout prout et d’administratifs, il faut taper haut pour se faire entendrer. J’aurai aussi des anectodes a narrer, mais pas trop la place ici. Bref si tu la ferme et que tu n’appartient pas a une minorité tu te fais entuber sans arret.

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