Visuel de l'article J'assume pas mes cheveux blancs et je l'assume

Depuis quelque temps, sous prétexte de libérer les femmes de rituels de beauté chronophages, quelques célébrités se mobilisent en vue d’inciter leurs sœurs à sauvegarder une espèce de poils mal aimée : le cheveu blanc.

Finie la tyrannie de la racine. Exit les couleurs improbables et les produits agressifs pour le cuir chevelu. Vive le naturel et l’authenticité de la femme mûre débarrassée de ses artifices ! Séduisant, pas vrai ?

Le cheveu blanc n'attend pas le nombre des années

Problème : on peut avoir des cheveux blancs ou gris bien avant d’être « mûre ». Je m’en suis aperçu quand j’ai vu émerger dès 30 ans les premiers traîtres dans ma chevelure. À l’époque, je ne me suis pas posé de question philosophique : j’ai foncé chez le premier coiffeur pour mettre fin à cette ignominie. J’étais loin d’être assez sage pour exhiber ces marques de « vénérabilité » (un mot à proposer à l’Académie), qui arrivaient très précocement chez les roux de mon entourage. Quel intérêt de me ruiner en crèmes antirides et faire cinq ans de moins que mon âge si c’était pour l’afficher via des cheveux blancs ?!

Cette stratégie anti-blanchissement, qui m’a fait passer du blond vénitien au roux franc faute de colorations adaptées, a eu un effet collatéral inattendu. Elle m’a aidée quand j’ai commencé à travailler comme comédienne. La rousse faisant partie des minorités visibles dans le cinéma français, j’ai été appelée quand on cherchait… une « vraie » rousse. Les colorations se perfectionnant, dix ans plus tard j’ai fini par obtenir un roux plus proche de ma nuance d’origine.

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Le roux franc
Suzanne Marty
Ma couleur d'origine, enfin presque...

Quand t’es pauvre, les cheveux blancs ont souvent une longueur d’avance sur ton budget

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes quand j’ai abordé une période financièrement compliquée, en clair quand je me suis retrouvée au RSA. Voulant rester raccord avec mon image de rousse et mes photos professionnelles hors de prix, je me suis serré la ceinture pour sauver mes séances chez le coiffeur. Une couleur maison ? Non merci. Une couleur ratée aurait été bien pire que le mal.

Ma situation s’aggravant, j’ai fini par « lâcher prise », comme nous y encouragent les journalistes beauté, et laisser la nature reprendre ses droits. C’était vachement beau les cheveux blancs ? C’était super sexy ? J’avais hâte de voir si ça le serait sur moi !

Trois ans plus tard…

Trois ans de galères plus tard, j’ai retrouvé une chevelure 100 % naturelle. N’ayant pas vu mes cheveux dans leur nudité depuis près de quinze ans, j’ai observé leur réapparition avec une curiosité mêlée d’anxiété. Alors c’était ça ma « vraie » couleur ? Un mélange de blond vénitien et de blanc, avec un effet méché, que je trouverais plutôt joli chez quelqu’un d’autre. Et si quelques copines comédiennes le prétendent joli chez moi aussi, de mon côté ça coince. Je trouve que ces cheveux roux délavé me donnent le teint blême. Idéal pour jouer dans un film de vampires ou de morts-vivants, mais tristos dans la vraie vie.

Les hommes sont d’ailleurs beaucoup moins enthousiastes que les femmes. Ils n’hésitent pas à me faire comprendre que j’étais quand même mieux « avant ». Quant aux directeurs de casting qui croient appeler une rousse, ils sont un peu déçus, ce qui n’est pas très bon pour mon matricule. Et ne risque pas de le devenir car les tournages de films de genre ne sont pas très courants en France…

Point positif : les cheveux blancs rendent invisible

Le naturel capillaire présente toutefois quelques avantages. En dehors du gain de temps et d’argent, j’attire beaucoup moins les regards. De temps en temps, j’ai même l’impression d’être à la limite du visible, ce qui peut être reposant. À moi Paris à toute heure du jour et de la nuit, ma crinière flamboyante n’attirera plus l’attention des trolls, harceleurs et autres gros lourds comme par le passé ! J’ai cherché d’autres avantages, mais n’en ai pas trouvés.

Point négatif : je me fais draguer par des hommes de l’âge de ma mère

Je précise que ma mère est très jeune, mais quand même… Dès que mes racines ont entrepris de gagner du terrain, j’ai commencé à subir les approches d’hommes soit beaucoup plus âgés soit s’étant résignés à vieillir, ce qui revient au même. Ce fut d’autant plus troublant que jusqu’ici j’attirais les hommages d’hommes bien plus jeunes que moi. Même si je n’étais pas assez téméraire pour en profiter, c’était excellent pour mon moral.

Aujourd’hui quelques trentenaires m’accordent encore des regards incertains – du genre elle a dû être pas mal dans sa jeunesse – mais sans plus. Sans compter qu’ils se mettent tous à me vouvoyer, ce qui – dans ce milieu du spectacle où le tutoiement est très répandu – ne m’arrivait jamais quand j’étais (vraiment) rousse. Damned !

La beauté demande de la discipline

Beaucoup de gens pensent que la beauté est un don de la nature. On naîtrait beau ou laid et on n’y pourrait rien : pourquoi faire des efforts ? C’est en partie vrai. Certaines personnes ont un meilleur bagage génétique que d’autres. Mais passé 30 ans, la beauté est comme la santé ou la forme physique, elle nécessite de la discipline. Beaucoup.

Rares sont les personnes qui parviennent à rester minces sans maîtriser leur alimentation. C’est mon cas, j’ai tendance à grossir très facilement. La chasse à la cellulite et aux kilos mal placés m’a conduite à renoncer entre autres à beaucoup de sucreries – que j’adore – mais cette politique a aussi des effets bénéfiques sur ma santé. De même assortir un minimum mes vêtements, me coiffer, me maquiller avant de sortir de chez moi me demande du temps et de l’énergie, mais j’ai bien meilleure mine quand je le fais. C’est une façon de respecter les autres mais aussi de me respecter moi-même.

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Les artifices de beauté permettent de préserver son identité

Chaque fois que je croise une femme de 80 ou 90 ans avec un blond ou un châtain impeccable qui doit demander un soin énorme, je ressens une vive émotion et un grand respect. Car je vois avant tout la volonté de préserver en partie son identité physique, le vieillissement du corps et le blanchissement des cheveux ayant tendance à uniformiser les physionomies.

Derrière cette volonté de préserver son apparence se trouve souvent une femme de caractère et non une cruche soumise à des diktats de beauté. Le recours à la chirurgie esthétique relève de la même volonté de préserver son identité. Ce n’est pas accessible à tout le monde, ce n’est pas toujours réussi, c’est à consommer avec beaucoup de modération et de circonspection, mais la démarche me paraît tout aussi respectable.

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Pourquoi serait-il moins estimable d’investir son argent dans son corps plutôt que dans des biens mobiliers ou immobiliers ? Nous n’emporterons ni notre fric ni notre résidence secondaire au paradis. En maintenant une belle apparence, au moins laisserons-nous un beau souvenir à notre entourage et personne de se battra pour récupérer cet héritage dont la philosophie est accessible à tous.

Mais que fait la science ?!

Il fut un temps où je me demandais si je n’allais pas profiter de mon retour forcé au naturel pour arrêter les colorations. Après tout, le total blanc peut-être très beau sur certaines personnes. Ma chère Maman était toute blanche à 40 ans et le portait admirablement bien. Mais il n’y a rien à faire, de mon côté je ne m’y fais pas. Chaque fois que je vois ma mine pâlotte dans la glace, mon moral part dans les chaussettes. Même les autres femmes ne pensent plus à me jalouser, c’est dire si je suis tombée bas dans leur estime…

En attendant que la science trouve comment stopper la prolifération des cheveux blancs sur nos crânes, je mettrai fin à cette expérimentation capillaire dès que le père Noël sera (vraiment) passé. Ce n’est peut-être ni cool ni bio, mais c’est mon choix. Si j’atteins un jour un niveau de sagesse suffisant, je renoncerai peut-être définitivement à la rousseur mais d’ici là, nos amis les coiffeurs pourront compter sur moi pour défendre leur profession contre les assauts du no-color-is-beautiful et autres no-poo. J’ai testé les deux et en ce qui me concerne, je passe.

Cet article a 3 commentaires

  1. MistiCat

    Je partage entièrement ton point de vue ! J’ai 49 ans, mes premiers cheveux blancs sont arrivés aux alentours de mes 30 ans et je ne les assume pas du tout ! Ma Maman a arrêté de se colorer à 50 ans mais, tout comme Tatiana de Rosnay (et quelques rares exceptions) elle a un blanc magnifique (tous les coiffeurs chez qui elle va pour une petite coupe sont unanimes). Pour ma part, je continuerai à me faire colorer les cheveux (après le blond et le châtain, j’en suis au roux – teinte dans laquelle je me sens le mieux !) n’en déplaise à toutes celles qui essaient de me persuader d’arrêter …
    Amicalement,

  2. Suzanne1604

    Merci de ton avis, je me sens moins seule ! 🙂

  3. Selma

    Je dissimule mes premiers cheveux blancs avec du henné. Comme je pars d’un châtain foncé ça les rend auburn et j’adore. Beaucoup de compliments sur la brillance de mes cheveux…
    Et pas trop cher, entre 4 et 6 euros la boîte…

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