Je ne me prosternerai passavant votre chat !!

Quand j’étais petite, il n’y avait pas de chat à la maison. Un chat, il fallait s’en occuper, le faire garder pendant les vacances ; c’était un budget croquettes et litière… Bref, pas question d’en adopter un. D’ailleurs, quasiment personne dans la famille n’en avait. Et puis un jour, tout le monde à part moi s’est mis à avoir un chat. Aimant les animaux, je n’avais rien contre. Jusqu’au jour où on m’a demandé de garder ces fichus chats…

Comme un Français sur quatre, il se trouve que je suis allergique aux chats. Ce n’est pas très prononcé, mais suffisamment pour que j’interdise à tout félin de dormir sur mon lit. Quand j’ai commencé à garder les matous de mes proches, je leur ai donc interdit l’accès de ma chambre. Mon appartement d’alors étant assez grand, ça ne me paraissait pas bien grave ! Pourtant, les ennuis ont aussitôt commencé. Car aucun de ces animaux, pourtant réputés adorables, n’a accepté cette restriction de son territoire. Chacun m’a donc méthodiquement pourri la vie (miaulements déchirants, griffures, grèves de la faim) pendant toute la durée de son séjour.

Avec le temps, je me suis aperçue que les chats étaient non seulement en train d’envahir les foyers français (Ils étaient plus de 13 millions en 2019 !) mais aussi de prendre un pouvoir ahurissant chez leurs maîtres…

La dictature du chat est en marche

Les signes qui prouvent qu’un chat est sournoisement en train de supplanter ses maîtres sont nombreux :

  • Les « maîtres » hésitent à partir en vacances, à voir leur famille ou leurs amis éloignés car il faudrait faire garder le chat, lequel risquerait ensuite de faire la tête pendant une semaine ;
  • Il existe dans la maison « le lit du chat », « la chambre du chat », « le fauteuil du chat », « le pouf du chat », etc. Au final, vous finissez par vous demander ce qui appartient encore aux propriétaires du logement ;
  • La bouffe du matou coûte aussi cher que celle des maîtres, parfois plus. J’ai déjà vu une personne se priver pour offrir les meilleures boîtes à son chat. C’était absurde car si elle était morte de faim, même son chat en aurait pâti… ;
  • Quand vous parlez au maître plus de dix minutes au téléphone, le chat se pointe, commence à miauler, puis griffe votre interlocuteur. C’est ce qui se passe chaque fois que j’appelle ma mère avec le chat dans les parages…
  • Les maîtres regardent leur chat plus amoureusement que leur conjoint ou leurs enfants ;
  • Quand vous rencontrez un propriétaire de matou en vue de « plus si affinités », il commence par vous demander :
    • 1) Si vous aimez les chats ;
    • 2) Si vous en avez déjà un (ou un autre animal de compagnie) ;
    • 3) Si vous êtes allergique aux chats.

Inutile de préciser qu’une seule mauvaise réponse est éliminatoire. Quand on sait que la population féline a quadruplé en France au cours des quarante dernières années, on ne s’étonne plus de trouver une corrélation entre le nombre de chats et celui de célibataires. Les gens adoptent-ils des chats parce qu’ils sont célibataires, ou le restent-ils à cause de leur chat, difficile de savoir…

  • Vous êtes invité chez un ami, vous passez la nuit à éternuer. C’est normal, vous dit-on, vous avez dormi dans le… f*cking lit du chat ! La pauvre bête a dû aller roupiller ailleurs à cause de vous. Vous hésitez à étrangler la bestiole ou le maître qui n’a pas jugé bon de laver le couvre-lit (pour ne pas perturber le chat : « Il est habitué à son odeur, tu comprends… »). C’est une histoire vraie ;
  • Si le chat découche, ne serait-ce qu’une nuit, les maîtres tombent en dépression et hésitent à appeler la police. Les plus modernes lancent un appel à l’aide déchirant sur Twitter, photos du fugitif à l’appui…

Si vous vous reconnaissez dans cette description, inquiétez-vous sérieusement.

Les chats sont tous de vils profiteurs

Bien sûr que si ! Comparons objectivement ce qu’apporte un humain à sa boule de poils et ce qu’il obtient en retour.

  • L’humain garantit au chat
    1. Le gîte : il héberge le chat, lui fournit litière, couffins et coussins moelleux, s’occupe de nettoyer sa crotte et ses bêtises (« Quand il pisse comme ça sur le lit, c’est qu’il est contrarié… ») ;
    2. Le couvert : le maître fournit au chat ses boîtes et mets préférés (« Sinon il mange rien, tu comprends… »), les croquettes les plus équilibrées ; il fait sa vaisselle (« Si sa gamelle n’est pas lavée chaque matin, il ne boit pas de la journée ») ;
    3. La santé : vaccins, chirurgien quand cette imbécile de bestiole se bat contre ses congénères, traverse la route sans regarder ;
    4. L’amour inconditionnel : compagnie, jeux (grattoirs, baballes, fausses souris, etc.) caresses, pardon (« Qu’est-ce que tu lui as encore fait pour qu’il te griffe comme ça ?? »).

Lire aussi : Comment (re)donner du sens à sa vie

  • La chat offre à son maître
    1. Une compagnie silencieuse : ça fait des vacances à certains après leur journée de travail. Pour d’autres le chat remplace avantageusement mari, femme et enfants ;
    2. Un peu de douceur (quand le matou est disposé à se faire caresser, ce qui arrive notamment quand il a faim) ;
    3. Un réveil : étant assez matinal, le chat peut remplacer la sonnerie par un coup de patte ou de langue râpeuse sur votre joue (Il y en a qui aiment…) ;
    4. Ses couilles ou ses ovaires. Même si on ne lui demande pas son avis, je reconnais que ce sacrifice mérite quelques compensations ;
    5. L’illusion de vivre avec quelqu’un qui l’aime et le comprend : perso, j’aimerais aussi de tout mon cœur n’importe quel humain qui me fournirait les avantages ci-dessus en me demandant si peu de contreparties (du moins depuis que j’ai abandonné l’idée de me reproduire)… 

Lire aussi via Le Figaro : Six raisons étayées scientifiquement de détester les chats (ou de s’en méfier)

Le test ultime

Ceux qui croient mordicus que leur chat est un animal dévoué, qui n’aimera jamais qu’eux jusqu’à ce que la mort les sépare, devraient faire ce petit test : faites garder votre matou par un autre amoureux des chats, ou par un cat-sitter compétent, pendant une semaine. Si l’amour de votre vie refuse de vous suivre quand vous venez le récupérer, vous saurez que j’ai raison et que cet ingrat se fiche de vous comme de ses premières croquettes. Depuis que j’ai pris conscience de l’égoïsme de ces exploiteurs à quatre pattes, j’ai décidé de ne plus me laisser attendrir.

Ma guerre froide contre les chats

  • Le chat des voisins

Pas question d’encourager l’ego de ce félin trop curieux en le laissant entrer chez moi, alors qu’il avait déjà conquis la moitié de l’étage. Pour ne pas risquer de succomber au charme de ce dangereux colonisateur, j’ai pris soin de garder mes distances avec lui, réussissant à ne pas le caresser une seule fois en dix ans. Aujourd’hui, ce gros matou évite de squatter ma moitié de palier, et je perçois une lueur de respect dans ses yeux quand je le croise dans l’escalier.

  • Le chat de mes parents

J’avoue que ce chaton sauvage de trois mois aux grands yeux bleus innocents, orphelin de surcroît, m’avait conquise à son arrivée au domicile parental. Jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’il était devenu l’air de rien le roi de la maison. Même mon père, qui ne voulait absolument pas du chaton au départ, est devenu son plus grand fan !

Aujourd’hui, je ne vais plus chez mes parents, je vais chez le chat. Il me prête une de ses chambres, son fauteuil devant la télé, son pouf. Et je fais gaffe de ne pas me fâcher avec lui n’étant pas certaine d’avoir gain de cause en cas de conflit ouvert. Ma sœur, qui aime pourtant les félins, n’a pas encore pigé que mes parents habitaient désormais chez le chat. Elle a donc du mal à admettre que son lapin nain n’ait pas accès à la moitié de la maison quand elle vient en vacances. Les deux bestioles pouvant difficilement cohabiter sans risque, il lui semblerait juste de partager l’espace disponible entre elles. Mais mes parents ne vont quand même pas priver le chat de la moitié de son domicile à cause du lapin ! Le matou est déjà sympa de tolérer ce gibier sur son territoire ! Pour ne pas trop contrarier son ennemi héréditaire, le lapin se résigne à passer ses journées dans une dizaine de mètres carrés sans fenêtre. De toute façon il sait que le reste de l’année, chez ma sœur le chef c’est lui !

Histoire de lutter contre l’influence disproportionnée du félin de la maison, j’ai pris le parti de Lapinou. Je soutiens les revendications de ma sœur pour étendre sa surface habitable, je caresse ostensiblement le lapin et jamais le chat, je parle au lapin et le moins possible au chat, etc. Bref, je tente par tous les moyens de remettre ce chat à sa place. Je sais qu’il sait que j’ai compris son manège. Comme je ne m’oppose pas ouvertement à sa domination, il a pris le parti de m’ignorer. Après tout, je ne viens pas assez souvent pour représenter une menace sérieuse…

  • Les réseaux sociaux

Depuis quatre ans que je suis inscrite sur Twitter et Instagram, et alors que je suis majoritairement abonnée à des auteurs et des blogueurs littéraires, je vois passer plus de photos de bestioles que de photos de livres ! Savez-vous que 15 % des images postées sur les réseaux sociaux sont des photos de CHATS ? À part la fonte accélérée de notre cerveau, je ne vois pas trop ce qu’on a à gagner à cette invasion de l’espace médiatique par les animaux de compagnie. C’est pourquoi je ne like jamais ni ne retweete une photo de chat, si mignon soit-il. J’envisage d’ailleurs sérieusement d’exclure de mon fil toute personne qui l’envahit avec des photos de chats (entre autres). À bon entendeur…

Mon plan pour lutter contre l’envahisseur

Les gens qui déplorent le nombre de chômeurs et d’immigrés en France feraient mieux de s’inquiéter de la prolifération des chats. D’autant que ces bestioles jouissent de bien plus de privilèges que les deux groupes précédents, alors qu’on ne leur demande même plus de chasser les souris. Quand on sait le nombre de rats qui squattent Paris, il y aurait pourtant de quoi faire ! Pour que ces feignants de chats cessent  de vous exploiter éhontément, voici mes propositions :

  • Récupérez la maîtrise de votre territoire en restreignant celui du chat. En interdisant l’accès des chambres d’amis à vos félins, ils comprendront peut-être que ce ne sont pas eux qui décident de l’usage des pièces ;
  • Récupérez la maîtrise de votre temps libre. Vous voulez partir en vacances pendant un mois, passer une semaine en famille ou un week-end en amoureux ? Trouvez des volontaires ou des cat-sitters de confiance et abandonnez sans complexes votre chat. Quand il a envie de partir deux jours en vadrouille, il vous demande la permission ??
  • Renoncez à poster des photos de chat sur les réseaux sociaux : vos amis, même s’ils sont trop polis pour vous le signaler, préfèrent sans doute consacrer leur petit temps de cerveau disponible à des sujets plus importants (cet article par exemple…) ;
  • Avant d’adopter un (nouveau) chat, demandez-vous si c’est bien nécessaire. Ne serait-il pas plus profitable de rechercher la véritable affection d’un Jules, d’une copine, de nouveaux amis ? (Je reconnais que c’est beaucoup plus compliqué.) De dépenser votre argent dans des sorties, des fringues, des voyages (Un chat coûte minimum 300 à 700 euros par an) ?
  • Adoptez des animaux moins ambitieux : lapins, cochons d’Inde, souris, poissons rouges, canaris ;
  • N’adoptez pas d’animal du tout et profitez de votre liberté totale, ou encore…
  • … faites des gosses. En enfantant il y a dix-huit mois, mon frère a clairement réussi à virer le chat de mes parents de son trône. Quand sa fille déboule comme une tornade, toute la maisonnée se met immédiatement à son service. Et le chat peut aller bouder dans le garage pendant des heures, tout le monde s’en fout. Aujourd’hui, ce n’est plus le chat qui mène tout le monde à la baguette dans cette famille, c’est une poupée haute comme trois pommes. Le lapin, ma sœur et moi nous sommes mis de son côté. En espérant que la petite ne succombera pas un jour elle aussi au charme du chat…

Bon, ben je fais quoi de mon chat ??

Si mes arguments vous ont convaincu et que vous vous demandez quoi faire de votre exploiteur à poils, inutile de l’abandonner et ainsi encombrer les refuges de la SPA. Il y a une bien meilleure solution (à tous points de vue). Vous pouvez faire comme certains peuples d’Asie et… manger votre chat. Il paraît que ça porte chance !

Civet de chatonPhoto extraite du livre Vous les avez aimés, mangez-les ! de Pascal Rémy et Jean Lecointre.

P.S. janvier 2022 : ma nièce n’aura pas eu le temps de succomber au charme de Petit Chat. Il nous a quittés prématurément en début d’année après avoir vaillamment lutté contre une obscure maladie pendant un an…

Cet article a 3 commentaires

  1. Philiberte

    Bonjour! Tout à fait vrai!j’aime bien les chats, mais je n’en veux pas, car j’ai des oiseaux et des écureuils qui viennent manger, et le chat est leur premier prédateur. Mais je connais des gens qui font pareil avec leur chien. Pauvre bête.

  2. degryse

    caustique à souhait !!! merci, je me suis bien bidonnée … ayant eu par le passé un chat !..

  3. Suzanne

    Belle démonstration … et belle aquarelle qui nous rappelle pourquoi la sensualité du chat nous fait perdre la tête !

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